Nous vivons à une époque formidable. Grâce à You tube, nous avons accès à une base de données d’apprentissage gigantesque et cela quel que soit le secteur qui nous intéresse.
Que cela soit dans le domaine des acrobaties, de la magie, des mathématiques ou de la musique, on ne compte plus la quantité de performances impressionnantes qui nous sont offertes chaque jour. Qui n’a pas cliqué sur “partager” dans Facebook afin de faire profiter à l’un de ses contacts d’une petite vidéo qui nous en met plein la vue ?
Mais la réalité est parfois tout autre.
Les vidéos diffusées sur le web ne représentent qu’un moment d’excellence généralement choisi délibérément afin d’en mettre plein la vue.
Il y a aussi tous les autres moments qui ne sont pas diffusés publiquement, et cela fait du bien de voir que finalement :
Nos mentors sont aussi des humains .
Et l’erreur est humaine !
Song for Bilbao de Pat Metheny
J’ai délibérément choisi un extrait d’un concert en Live issu de de très très grands musiciens.
Nous parlons ici de
- Pat Metheny : l’un des guitaristes de jazz les plus connus mais aussi les plus doués (20 millions d’album en son nom).
- Michael Brecker : autant le dire tout de suite, l’un des meilleurs saxophonistes ténor ayant foulé la planète (détenteur de 15 Grammy Awards tout de même).
- Bill steward : un prodige de la batterie et du rythme dont je suis un grand fan.
- Larry Golding : qui se paie le luxe d’accompagner les 3 autres dingues de l’instrument à l’orgue Hammond (donc en jouant les basses et les accords/mélodies en même temps).
Ils interprètent ici “Song for Bilbao” qui est un morceau de type jazz Latin.
Analyse d’un crash musical
Afin de bien comprendre ce qui s’est passé, je dois d’abord vous parler de la structure du morceau.
Sa structure est un A A B A et il a la particularité d’avoir un B en 6/8 alors que le A du morceau est en 4/4.
La structure A A B A de “Song for Bilbao” est composée de 8 mesures de 4/4 répétées 2 fois ( 2 A donc 16 mesures de 4/4), 4 mesures de 6/8 ( le B ) et 8 mesures de 4/4 pour terminer la structure.
Je vous ai laissé le solo de Bill steward en introduction de la vidéo. Il s’y amuse comme un petit fou sur cette structure rythmique fort intéressante.
Après le solo de notre collègue batteur s’en suit une longue présentation des musiciens, visiblement très heureux d’avoir participé à ce concert.
Et tout un coup c’est le drame !
Pour clarifier les choses, le plantage dont je parle ici n’est pas une erreur gigantesque.
On peut plutôt parler d’un grain de sable dans les rouages bien huilés des concerts hyper travaillés à l’Américaine.
L’erreur est en fait une erreur de structure qui entraine une fin de morceau, disons-le, pas très heureuse.
Ce qui s’est passé
Après la section des présentations des musiciens tournant en boucle sur la structure des 8 mesures du A, Michael Brecker donne le signal afin de clôturer le morceau.
A 2min 26 secondes : le thème du B du morceau est censé être joué à l’unisson par tout le monde.
Nous entendons en fait un mix assez inattendu entre la mélodie du B jouée par Michael Brecker et Larry Goldings, et la mélodie du A jouée par erreur par Pat Metheny au même moment.
Une certaine tension harmonique peut s’entendre chez Larry Golding qui nous gratifie de quelques accords incertains dans la reprise du A.
Bill steward, quant à lui, censé s’arrêter sur la 5 ième mesure du dernier A continue sa rythmique par erreur alors que ses collègues s’évertuent à jouer des brouettes de notes sur un hypothétique point d’orgue.
Cela ne dure que quelques secondes et je suis sûr que la majorité des auditeurs percevra à peine ce plantage.
Je vous ai d’ailleurs mis la fin d’une autre version de “Song for Bilbao” telle qu’elle aurait due normalement se terminer juste après la première vidéo.
Ce que nous pouvons en retenir
Le but de cet article n’est pas de se moquer ou de pointer du doigt ces musiciens extraordinaires.
Nous pouvons néanmoins en tirer quelques conclusions :
Le relâchement de l’attention dans une situation de concert peut facilement vous amener à faire des erreurs.
Ils ont beau faire partie des meilleurs musiciens du monde, l’erreur pourra toujours s’insinuer là où ils ne s’y attendent pas.
Leur attitude suite au plantage est très instructive :
Hyper pro : ils se rattrapent magistralement bien à tel point que la fin du concert se terminera quand même en standing ovation.
On voit tout de suite leur expérience du terrain, les milliers d’heures passées à jouer et rejouer les mêmes morceaux.
Malgré le plantage, le sourire est toujours présent sur leur visage.
Leur attitude n’est en rien modifiée par cette erreur et ils continuent de jouer imperturbablement.
Mais surtout : quel que soit votre niveau, vous n’êtes jamais à l’abri d’une erreur.
Il est fort probable que cette petite faute d’inattention de la part de Pat Metheny ne se reproduira plus jamais.
Il retiendra cet instant de flou artistique comme une opportunité d’apprentissage et d’amélioration et non pas comme un échec.
Il est tout aussi probable que tous ces musiciens PRO et renommés n’arrêteront pas la musique suite à cette erreur.
Mon expérience
J’ai fait plus d’un millier de concerts avec différents projets, certains très complexes ( du 47/16 par exemple), d’autres beaucoup plus simples ( 2 coups de triangles sur tout le concert).
Il y a avait TOUJOURS des erreurs lors de chacune des représentations auxquelles j’ai pu participer.
Que cela soit dans un opéra contemporain, dans de la pop ou dans un concert de jazz, quel que soit le nombre de concerts, le lieu et les conditions de ceux-ci, l’erreur s’insinue toujours à un moment.
Généralement quand on s’y attend le moins, et par expérience : surtout quand il y a du relâchement ou du stress (par exemple lorsque c’est enregistré… )
Conclusion
N’abandonnez pas trop rapidement si vous rencontrez des difficultés dans l’apprentissage d’une discipline.
Si cela vous passionne, c’est la persévérance et le recul qui permettra de progresser dans votre domaine.
Que cela soit au piano, à la batterie, au tennis, ou dans l’apprentissage de la cuisine : persévérez.
Les plantages font partie du jeu. Plutôt que de stresser ou de culpabiliser , apprenez à en retirer l’apprentissage qui vous fera progresser.
Merci Xavier de consacrer du temps et de l’énergie pour partager ton expérience et prodiguer des conseils bien utiles surtout à ceux comme moi qui galèrent.Même si parfois je doute et fais des erreurs Je persévère .Ce conseil est bien sur valable comme tu le dis dans pleins de domaine.
Bonjour,
“Plutôt que de stresser ou de culpabiliser ,”
je rajouterais en plus “Plutôt que de stresser ou de FAIRE stresser ou de culpabiliser ou de FAIRE culpabiliser ,”
Parce que si y ‘a bien un truc qui rajoute à la pression , c’est quand les collègues en profitent pour vous descendre…Dans ce cas je me dis qu’on a rien à faire avec eux, car il n’y a aucune réelle considération/confiance …
Cordialement
Merci Chris .
As tu un domaine en particulier ou tu “galères” plus qu’un autre ?
Peut être l’idée d’un prochain article ?
Bonjour Xavier,
Super leçon de vie !
Quelque part, je trouve ça “rassurant” que même les meilleurs fassent des erreurs.
C’est aussi ce qui fait le charme du live 🙂 Que ce soit pour le public (qui vient admirer le talent) ou pour les professionnels (le côté adrénaline).
Et c’est à ce moment là où l’on voit également le niveau incroyable des professionnels !